Le Cercle du Vendredi 5 Novembre 2004 :

Voulez-vous mourir

avec moi ce soir ?

Guyard à Vauvert,
chez Mam’zelle & les Moustiques,


OU L’ON APPREND que le plus illustre des disciples de Socrate, Platon considère qu’il n’y a rien de mieux à faire dans la vie que de s’entraîner à mourir, à mépriser l’attachement à ce bas monde et à négliger son corps. Ayant ainsi converti son corps propre en cadavre et en esclave docile le philosophe peut envisager de contempler le vrai visage de la réalité, qui n’est pas de ce monde mais dans un ailleurs, suprasensible, métasensoriel et drôlement épatant.
OU L’ON DECOUVRE, derrière le discours hallucinant du platonisme, un effort démesuré pour montrer que les aspirations de l’homme le portent toujours au-delà de lui-même, et en font un homme qui n’est pas à sa place quand il se contente et se complait dans la fange de la vie ordinaire.
OU L’ON COMPREND alors que Platon n’est pas qu’un déserteur qui veut fuir ce monde, mais qu’il est le premier à nous rappeler que nous sommes tous porteurs d’absolu, que nous sommes à l’étroit dans les catégories de la finitude et du banal, et que, là où il y a homme, il y a toujours quêteur d’impossible, utopiste et enthousiaste mystique, dans un mélange qui ne pourra jamais être épuré.
OU L’ON PERÇOIT mieux pourquoi le platonisme a si mauvaise presse,d ans un monde qui planifie la numérisation de l’homme, la résignation à la laideur de l’ordinaire et du trivial, l’enrégimentement dans les bataillons du sourire obligatoire et dans ceux du Gosplan de la Joie de vivre une vie sans appel ni tension. PLATON, C’EST LA RECONNAISSANCE DE LA MELANCOLIE COMME NORMALITE ET NON COMME PATHOLOGIE, C’EST LA REHABILITATION DE L’UTOPIE, DU DESIR D’ABSOLU, C’EST L’APPEL A LA BOHEME, C’EST VOULOIR SAUVER LE QUOTIDIEN AU RISQUE DE SE SAUVER DU QUOTIDIEN.

Bibliographie

Tout Platon est édité en livre de poche, dans des collections avec un appareillage de notes critiques très bien faites. Plutôt que de se lancer à l’aveuglette dans le corpus considérable de l’auteur, on pourra commencer par lire l’Apologie de Socrate et le Phédon, Le Criton. Si les troubles demeurent, continuer le traitement, en forçant la dose, et en lisant Le Banquet, alangui sur une couche en grignotant des grappes épépinées par des esclaves nubiles, puis on continuera avec l’Alcibiade, après s’être assuré de la majorité civile du jeune garçon qui rougit quand vous lui parlez de tempérance et de vertu. Pour les néo-platoniciens, on peut commencer avec la très belle présentation de P. Hadot, Plotin ou la simplicité du regard, de 1963, jamais encore inégalée. Les Ennéades de Plotin sont disponibles aux éditions Budé, mais ce n’est pas pour autant qu’elles soient lisibles.