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Le Cercle du vendredi 8 octobre 2004 :
La philosophie
est un sport de combat
Guyard à Vauvert,
chez Mamzelle & les Moustiques,
OU LON DECOUVRE que la philosophie, avant de devenir chamaillerie dexperts binoclards et autres sorbonicols rances et anémiés, recrutait, du temps où elle brillait sur Rome et sur Athènes, dans les milieux interlopes des bandits de grand chemin, des boxeurs professionnels et des proxénètes, et quelle était une technique de combat afin quà sa mort, le philosphe sorte de la vie, victorieux et triomphal, comme un gladiateur sort des arènes sous les vivats des vierges en pamoison rosissant de plaisir.
OU LON APPREND, avec Antisthène et la lignée des cyniques, que le combat au corps-à-corps sur le champ de bataille, dans la rue ou les bastonnades infligées aux disciples ont une fonction libératoire, développent la force dâme, et promettent la délivrance plus efficacement que nimporte quel livre de sagesse bondieusarde. Car la voie spirituelle la plus rapide pour conduire à la sérénité et au détachement passe par lendurcissement du corps, sa mise à lépreuve et le renforcement de sa résistance naturelle.
OU LON DECOUVRE, avec une surprise comparable, que le cynisme se civilise et se fait bientôt stoïcisme, cette école de lantiquité qui sut avec bonheur convertir à elle Cicéron, Sénèque et lEmpereur Marc-Aurèle, quelle conserva sa dimension austère et martiale, mais quelle sut la spiritualiser pour que la conscience du sage devinsse une citadelle inébranlable et que le philosophe entre virilement dans cette vie tragique et hasardeuse comme un lutteur décidé pénètre le ring alors quil sait le combat à lissue incertaine.
OU LON VOIT enfin quil na pas fallu attendre la modernité pour éprouver le tragique de lexistence ou labsurde de notre condition, mais que ces expériences ne suffisent pas pour nous interdire laccès à la sérénité. Car cyniques et stoïciens nous enseignent que la philosophie nest pas le refuge et la consolation des pleutres, mais quelle est destinée aux âmes lucides et désabusées, suffisamment fortes pour supporter le spectacle de la cruelle réalité, et plus fortes encore pour lendurer et laimer. A CEUX QUI CROIENT QUE LA VIE EST DOUCE ET QUE LA SAGESSE EST UN RECONFORT, NOS SAGES NOUS ENSEIGNENT QUE LA VIE EST IMPITOYABLE, QUE MILLE FORCES Y CONCOURENT NOTRE PERTE, MAIS QUE LA SAGESSE EST LE POIGNARD LIBERATEUR DONT DOIVENT SAVOIR JOUER TOUTES LES AMES DEXCEPTION.
Bibliographie
BRUN Jean, Les Stoïciens, PUF, 1971
DIOGENE LAËRCE, Vie et doctrines des philosophes illustres, Livre de poche, 1999
DROIT Roger-Pol et DE TONNAC Jean-Philippe, Fous comme des sages. Scènes grecques et romaines, Seuil, 2002
HADOT Pierre, Exercices spirituels et philosophie antique, avec une préface dArnold I. Davidson, Albin Michel, 2002
PAQUET Léonce, Les Cyniques grecs, fragments et témoignages, Livre de Poche, 1992.